Nos recherches avec Gilbert aux archives de l’Évêché à Viviers, il y a sept / huit ans, ont permis d’en savoir un peu plus sur l’histoire de ce lustre et d’avoir des pièces à conviction sur sa véritable nature.
Dans le dossier de la paroisse de Saint-Remèze déposé aux archives, nous avons retrouvé plusieurs correspondances adressées à M. l’Abbé Félix Bourges, curé de Saint-Remèze dans les années 40.
Il s’agit de quatre lettres envoyées par M. Georges Flachat, architecte à Lyon, consulté pour la fabrication de ce lustre.
Le projet remonte à octobre 1946. L’architecte lui pose d’abord un certain nombre de questions sur le style de l’église, ses proportions, ses dimensions. En fonction des indications communiquées, il monte son projet et envoie ses propositions : d’abord un projet de lustre à une couronne, puis un lustre rond en fer à deux couronnes vu le volume de l’église : la grande couronne de 1m50 de diamètre et le deuxième étage de 1m de diamètre.
Suspendu au lustre, un symbole chrétien, celui d’un bateau sur un poisson, celui du Christ (Ichthus en grec) supportant l’Église. L’Église est le bateau du Christ.
Début 1947, le lustre est en cours de fabrication chez un ferronnier. Il pèsera entre 130 et 150 kg, il coûtera 20 000 francs de l’époque. Il sera monté pour être équipé électriquement de 24 ampoules. La peinture sera faite au pistolet, verte et doré. Un dessin du dossier reproduit précisément les couleurs du lustre.
Le motif suspendu sera finalement celui d’une colombe et son rameau d’olivier, autre symbole chrétien, symbole d’espoir, symbole surtout de la paix. Colombe aussi sur le vitrail de Clovis dans le chœur.
Le lustre est terminé début juin1947, un camion vient le chercher à Lyon le 6 juin.
Finalement, il coûtera 25 000 francs. Nous avons le récépissé du mandat dans le dossier : 25 009 francs précisément, enregistré à Bourg-Saint-Andéol le 16 juin 1947 à 18 h. On peut penser qu’il a été payé par les paroissiens de l’époque à l’occasion d’une souscription lancée par le curé.
Il sera sans doute installé, accroché dans les jours qui ont suivi son arrivée. Des clichés pris de la tribune à l’occasion de mariages nous le montrent en place plusieurs années après, voire deux trois décennies après. Mariage de Gilbert en 1969.
Voilà pour l’histoire de sa fabrication et c’est bien lui que nous avons retrouvé au Palais des Évêques à l’occasion d’une Journée du Patrimoine suspendu dans la grande salle de réception en face l’entrée.
Pour la symbolique, ce type de lustre à deux cercles, à deux couronnes est assez courant. On le trouve dans de nombreuses églises. La « couronne de lumière », c’est le symbole de la Jérusalem céleste.
L’un des plus beaux lustres à couronne de lumière est celui de la basilique de Saint-Rémi à Reims. Il y a peut-être là une coïncidence intéressante ? Dans l’esprit de l’architecte, du concepteur du lustre de Saint-Remèze, il peut y avoir la volonté de rappeler le vocable de saint Rémi. On trouve un modèle assez proche aussi dans la cathédrale Saint Vincent de Viviers.
Pour le nombre de lumières, d’ampoules, deux fois douze : douze c’est le nombre des apôtres de Jésus ; dans l’Ancien Testament, ce sont les 12 tribus d’Israël ; dans l’Apocalypse, ce sont les douze portes de la Jérusalem céleste.
24, cela rappelle les 24 vieillards de l’Apocalypse qui siègent autour du trône de Dieu. Ils représentent l’alliance de l’Église et du Christ.
Autour de la grande couronne, un autre symbole chrétien, le monogramme du Christ, le chrisme, soit les deux premières lettres du mot Christos (Christ), le khi grec X et le rhô grec P.
On le trouve souvent accompagné des lettres alpha et oméga qui symbolisent la totalité : le commencement et la fin.
Voilà pour le langage symbolique très courant dans l’Église catholique.
Nous nous félicitons de le voir revenu dans l’église après plus de vingt ans de disparition énigmatique, sans doute avec la complicité, le laisser-aller de certains paroissiens.
Un grand merci à notre maire pour son engagement personnel, pour avoir entrepris toutes les démarches nécessaires pour récupérer ce lustre disparu, volatilisé malgré son poids, et clore une histoire plutôt rocambolesque.
Merci au service technique pour son travail de restauration et d’installation.
Cette histoire montre une fois de plus l’importance des archives dans la recherche historique et patrimoniale pour rétablir certaines vérités. Un grand merci aux archives diocésaines et à son archiviste qui nous a permis d’accéder à ces documents privés laissés par les anciens curés de la paroisse.
Que ce soit aussi pour nous, association Patrimoine de Saint-Remèze, l’occasion de formuler un souhait auprès de la mairie et de la paroisse, celui d’envisager un coin dans l’église pour y exposer, y valoriser d’autres objets de notre église, le reliquaire de saint-Rémi, quelques vêtements liturgiques, des croix de procession et objets de culte qui dorment dans la sacristie, ou encore la vieille horloge du clocher.
Un peu comme l’exposition dans l’église de Labeaume à droite de l’entrée.
Michel RAIMBAULT
Le grand lustre
Le grand lustre de l’église de Saint-Remèze a été commandé par l’abbé Bourges, en
1946, pour le centenaire de la construction de l’église paroissiale, sans doute avec
l’aide financière des paroissiens.
Cinquante ans plus tard, à la fin des années 90, le lustre est descendu pour refaire
les peintures de l’église à l’occasion des 150 ans de sa construction.
Déposé dans un coin de la tribune pendant de nombreuses années, oublié de tous
mais pas de tout le monde, le lustre disparaît !
A l’occasion de Journées portes ouvertes du Patrimoine, il est vu dans une des salles du Palais des évêques de Bourg-Saint-Andéol.
En comparant sa photo avec d’autres plus anciennes et avec l’aide du dossier
retrouvé aux archives diocésaines, il est alors facile de prouver qu’il s’agit bien du
même.
Une requête est faite auprès du propriétaire du palais par le maire pour avoir une
explication sur la provenance de ce plafonnier et de le récupérer.
Après un échange virulent, les deux parties se mettent d’accord pour un retour du lustre dans l’église.
Promesse non tenue puisque c’est seulement la petite partie qui est restituée !
Constitué de deux couronnes, la plus grande se serait décrochée à l’issue du
tremblement de terre du Teil le 11 novembre 2019, et se serait fortement abîmée…
Devant tant de mauvaise foi, le maire décide alors de refaire à l’identique la partie
manquante. Décoré de 24 ampoules à led, le lustre retrouve sa maison le 24 février
2024.
Ainsi le grand lustre demeure bien plus qu’un simple élément décoratif, il incarne
l’attachement et le dévouement de toute une communauté envers son patrimoine.
Gilbert PANGON